Sebastião Salgado (1944-2025), photographe brésilien disparu le 23 mai 2025, a construit une œuvre monumentale organisée en grandes séries documentaires en noir et blanc. Quatre ensembles majeurs structurent son parcours : Workers/La main de l’homme (1993) explore le travail manuel et industriel, Migrations/Exodus (2000) documente les déplacements humains et les exils, Genesis (2004-2011) célèbre les territoires et peuples originels, et Amazônia (2019-2021) plonge dans la forêt amazonienne et ses communautés autochtones. Deux ensembles d’images iconiques marquent également son œuvre : les photographies de la mine d’or de Serra Pelada au Brésil (1986) et celles des puits de pétrole en feu au Koweït (1991). Ces séries, publiées en livres monumentaux et présentées en expositions itinérantes, ont fait de Salgado l’un des photographes documentaires les plus influents de la fin du XXe siècle.
Sebastião Salgado : les œuvres majeures en 30 secondes
- Workers / La main de l’homme (1993) : cycle consacré au travail manuel et industriel à travers le monde, témoignage sur la condition ouvrière avant l’automatisation
- Migrations / Exodus (2000) : documentation des déplacements forcés, exils, réfugiés et migrations de masse à la fin du XXe siècle
- Genesis (2004-2011) : exploration des territoires préservés, peuples autochtones, faune et paysages « originels » sur cinq continents
- Amazônia (2019-2021) : immersion dans la forêt amazonienne brésilienne, peuples indigènes et écosystèmes menacés
- Serra Pelada (1986) : série emblématique sur la mine d’or au Brésil, image la plus célèbre de Salgado
- Kuwait: A Desert on Fire (1991) : documentation des puits de pétrole incendiés pendant la guerre du Golfe
Les grandes séries expliquées (thèmes, dates, formats)
L’œuvre de Sebastião Salgado se déploie en cycles au long cours, chacun nécessitant plusieurs années de terrain et aboutissant à des livres monumentaux accompagnés d’expositions internationales.
Workers / La main de l’homme — le monde du travail (1993)
Workers documente le travail manuel et industriel dans sa dimension physique, collective et souvent épuisante. Salgado photographie pendant plusieurs années des ouvriers dans des mines, des chantiers navals, des usines sidérurgiques, des plantations, capturant les gestes, les corps, les matières et les espaces du labeur. Le projet couvre vingt-six pays et témoigne d’un monde du travail en transformation, avant que l’automatisation ne fasse disparaître de nombreux métiers. Publié en 1993 sous le titre La main de l’homme, ce cycle établit Salgado comme photographe social majeur, héritier d’une tradition documentaire humaniste tout en développant une esthétique très contrastée, proche du clair-obscur. Les images montrent la dignité des travailleurs dans des conditions souvent extrêmes, sans misérabilisme ni héroïsation.
Migrations / Exodus — déplacements et exils (2000)
Migrations, également intitulé Exodus, constitue le deuxième grand cycle de Salgado. Entre 1993 et 1999, il documente les déplacements forcés de populations à travers le monde : réfugiés de guerres, exilés économiques, victimes de famines ou de catastrophes environnementales. Le projet couvre plus de quarante pays et montre la marche, l’attente, la survie dans des camps, les traversées dangereuses. Salgado capture la masse des corps en mouvement, les visages marqués par l’épuisement, les enfants portés, les frontières franchies. L’esthétique reste très noire, dramatique, cherchant à rendre visible l’ampleur d’un phénomène que les médias traitent souvent de manière fragmentée. Publié en 2000, Exodus suscite des débats sur l’esthétisation de la souffrance, mais impose Salgado comme témoin majeur des crises humanitaires de la fin du XXe siècle.
Genesis — nature et cultures « originelles » (2004-2011)
Après deux cycles consacrés aux crises du travail et des migrations, Salgado entreprend Genesis, projet inverse cherchant à documenter ce qui reste de « nature vierge » et de cultures traditionnelles. Entre 2004 et 2011, il parcourt les pôles, les déserts, les forêts primaires, les montagnes reculées, photographiant paysages, animaux et peuples vivant selon des modes de vie ancestraux. Le projet couvre trente-deux voyages sur cinq continents : Amazonie, Papouasie, Alaska, Sibérie, Sahara, îles du Pacifique. Genesis se veut célébration de la planète avant sa transformation complète, témoignage d’une biodiversité et d’une diversité culturelle menacées. Le livre, publié en 2013 chez Taschen en format monumental, et les expositions itinérantes rencontrent un succès international. L’esthétique reste celle du noir et blanc très contrasté, mais appliquée à des sujets majestueux : glaciers, dunes, troupeaux, rituels.
Amazônia — environnement & peuples autochtones (2019-2021)
Amazônia marque le retour de Salgado à son Brésil natal, sept ans après Genesis. Entre 2019 et 2021, il photographie la forêt amazonienne brésilienne, ses rivières, sa canopée, sa faune, et surtout les peuples autochtones qui y vivent. Le projet documente douze communautés indigènes, leurs modes de vie, leurs territoires, leur rapport à la forêt. Salgado insiste sur l’urgence écologique : la déforestation menace ces écosystèmes et ces cultures. Le livre Amazônia, publié en 2021 chez Taschen, et l’exposition itinérante lancée à Paris à la Philharmonie en 2021 puis reprise internationalement en 2025, proposent une vision immersive de la forêt comme monde vivant et habité. Le noir et blanc révèle les textures des arbres, l’humidité de l’air, les peintures corporelles, les visages concentrés des chasseurs. Amazônia prolonge Genesis dans une dimension militante, affirmant la nécessité de préserver ces territoires.
Images incontournables : ce qu’il faut avoir vu
Au-delà des grandes séries, deux ensembles d’images se détachent comme icônes de l’œuvre de Sebastião Salgado, régulièrement reproduites et commentées.
Serra Pelada (mine d’or, 1986)
Serra Pelada est sans doute l’image la plus célèbre de Salgado. En 1986, il photographie la mine d’or à ciel ouvert de Serra Pelada dans l’État du Pará, au Brésil. Des milliers de chercheurs d’or, appelés garimpeiros, creusent à mains nues dans une fosse géante, portant des sacs de terre sur des échelles de bois. Les images montrent une masse humaine grouillante, des corps couverts de boue, des échelles interminables, une organisation chaotique et archaïque. La composition, vue en plongée, évoque des représentations bibliques ou dantesques : fourmilière humaine, enfer terrestre, ruée démentielle. L’esthétique très contrastée, presque théâtrale, fait de Serra Pelada une allégorie du capitalisme sauvage et de l’exploitation. Ces images sont intégrées à la série Other Americas mais deviennent rapidement autonomes, reproduites dans des contextes variés, commentées comme symbole du travail démesuré et de la quête de richesse.
Kuwait: A Desert on Fire (puits en feu, 1991)
En 1991, après la guerre du Golfe, Salgado se rend au Koweït pour documenter les puits de pétrole incendiés par les troupes irakiennes en retraite. Les images montrent des paysages apocalyptiques : ciel noir de fumée, flammes géantes, ouvriers minuscules face aux colonnes de feu, sol recouvert de pétrole, horizon invisible. Salgado photographie les équipes de pompiers spécialisés tentant d’éteindre les puits, transformant le désert en enfer industriel. La série est publiée en 1991 sous le titre Kuwait: A Desert on Fire chez Taschen. Ces images fonctionnent comme allégorie écologique : destruction massive, pollution, démesure technologique, fragilité humaine face aux forces déchaînées. Le noir et blanc accentue le contraste entre le feu blanc et le ciel de suie, créant des compositions abstraites où l’homme devient silhouette perdue dans le chaos.
Où voir les œuvres aujourd’hui (livres & expos en tournée)
L’œuvre de Sebastião Salgado circule principalement via des livres monumentaux et des expositions itinérantes organisées par des institutions internationales.
Livres de référence (titres + années)
Les grandes séries de Salgado sont éditées par Taschen en formats imposants, souvent accompagnées de textes critiques ou d’essais. Workers/La main de l’homme paraît en 1993, Migrations/Exodus en 2000, Genesis en 2013 (rééditions régulières), Amazônia en 2021. Kuwait: A Desert on Fire sort en 1991 en édition limitée puis en versions grand public. Other Americas, cycle antérieur sur l’Amérique latine rurale, est publié en 1986. Ces ouvrages, tirés sur papier de qualité avec des reproductions en grands formats, constituent la référence pour découvrir l’œuvre. Plusieurs monographies rétrospectives existent également, rassemblant des sélections d’images de différentes séries. Les livres Taschen sont disponibles en librairies spécialisées, bibliothèques et via les sites des éditeurs.
Expositions/rétrospectives en cours ou récentes (Amazônia, hommages 2025)
Amazônia a circulé en exposition itinérante depuis 2021 : Philharmonie de Paris (2021-2022), puis reprises internationales en 2023-2025 (Europe, Asie, Amériques). Suite au décès de Sebastião Salgado le 23 mai 2025, plusieurs institutions ont annoncé des rétrospectives hommage pour 2025 et 2026, rassemblant des tirages de toutes les séries majeures. Le Museum of Modern Art (MoMA) à New York et l’International Center of Photography (ICP) conservent des collections importantes de Salgado et organisent régulièrement des accrochages thématiques. Les grandes galeries représentant Salgado (Amazonas Images, galeries européennes et américaines) proposent également des expositions et ventes de tirages. Pour connaître les expositions en cours, consulter les sites des institutions photographiques internationales et les calendriers des musées d’art contemporain.
FAQ rapides : tout savoir sur les œuvres de Sebastião Salgado
Quelles sont les œuvres les plus connues de Salgado ?
Les images de Serra Pelada (mine d’or, 1986) et les puits de pétrole en feu au Koweït (1991) sont les plus iconiques. Les quatre grandes séries incontournables sont Workers/La main de l’homme (1993), Migrations/Exodus (2000), Genesis (2004-2011) et Amazônia (2019-2021). Chacune documente un aspect du monde contemporain via une esthétique noir et blanc très contrastée.
C’est quoi la série Genesis ?
Genesis est le troisième grand cycle de Salgado, réalisé entre 2004 et 2011. Le projet documente les territoires préservés, les paysages « vierges » et les peuples vivant selon des modes de vie traditionnels sur cinq continents. Genesis répond aux deux cycles précédents (travail et migrations) en cherchant à montrer ce qui subsiste de nature et de cultures « originelles » avant leur disparition. Le livre sort en 2013 chez Taschen.
Amazônia : de quoi ça parle et où la voir ?
Amazônia (2019-2021) documente la forêt amazonienne brésilienne, ses peuples autochtones et ses écosystèmes menacés. Le projet couvre douze communautés indigènes et insiste sur l’urgence écologique. Le livre paraît en 2021, l’exposition itinérante circule depuis 2021 (Philharmonie de Paris, puis tournée internationale). Des reprises sont prévues en 2025 et 2026 dans plusieurs pays.
Sebastião Salgado est-il encore vivant ?
Non, Sebastião Salgado est décédé le 23 mai 2025 à l’âge de 81 ans. Son décès a suscité de nombreux hommages internationaux et relancé l’intérêt pour ses grandes séries documentaires. Plusieurs rétrospectives sont organisées en 2025 et 2026 pour célébrer son œuvre.
Tableau récapitulatif : les séries de Salgado en bref
| Série / Ensemble | Période | Sujet | Support phare |
|---|---|---|---|
| Workers | ~1990-1993 | Travail manuel/industriel | Livre + expo |
| Migrations (Exodus) | ~1993-1999 | Exils/déplacements | Livre + expo |
| Genesis | 2004-2011 | Nature & peuples | Livre + expo |
| Amazônia | 2019-2021 | Amazonie & peuples | Expo + livre |
Sur mobile, passez votre téléphone à l’horizontal pour mieux lire le tableau.
Les œuvres d’art de Sebastião Salgado constituent un corpus documentaire exceptionnel sur le monde contemporain. De Workers à Amazônia, en passant par les images emblématiques de Serra Pelada et du Koweït, Salgado a construit une œuvre où le noir et blanc monumental devient langage universel. Chaque série témoigne d’un engagement au long cours, d’une attention aux corps, aux territoires et aux transformations sociales et environnementales. Disparu en mai 2025, Sebastião Salgado laisse une œuvre photographique qui continue de circuler via les livres, les expositions et les collections internationales, rappelant l’importance du témoignage visuel dans la compréhension des enjeux planétaires.
