Francisco de Goya y Lucientes, dit Goya le peintre, naît à Fuendetodos près de Saragosse en 1746 et s’éteint à Bordeaux en 1828. Figure charnière de l’art occidental, il évolue du rococo tardif vers un réalisme sombre qui annonce la modernité. Peintre officiel de la cour d’Espagne sous Charles IV, puis sous Ferdinand VII, Goya développe parallèlement une œuvre gravée d’une puissance critique inégalée.
Sa carrière traverse les bouleversements de son époque : guerre d’Indépendance espagnole (1808-1814), occupation napoléonienne, restauration absolutiste. Ces traumatismes nourrissent une vision de plus en plus désenchantée qui culmine avec les « Peintures noires » de sa fin de vie.
Références utiles : www.museodelprado.es et www.britannica.com proposent des dossiers complets sur l’artiste et ses œuvres majeures.
Chefs-d’œuvre à connaître : de La Maja au 3 mai 1808
Les œuvres majeures de Goya jalonnent sa carrière et révèlent l’évolution de son style :
La Maja nue et La Maja vêtue (vers 1800-1805) : diptyque révolutionnaire par sa sensualité assumée, qui défie les conventions de l’époque.
Le 3 mai 1808 (1814) : dénonciation magistrale de la violence d’État, représentant l’exécution de patriotes espagnols par les troupes napoléoniennes. Cette toile influence durablement l’art engagé.
La Famille de Charles IV (1800) : portrait de cour d’un réalisme impitoyable, révélant les faiblesses de la monarchie espagnole.
Les portraits de la duchesse d’Albe (1795-1797) : témoignages de la relation complexe entre l’artiste et cette figure de l’aristocratie éclairée.
Ces œuvres illustrent la capacité de Goya à conjuguer commande officielle et regard critique, portraitiste de génie et chroniqueur de son temps.
Les séries gravées qui ont tout changé : Caprichos et Désastres de la guerre
Les Désastres de la guerre (1810-1814) constituent l’une des dénonciation les plus puissantes de la violence militaire dans l’art occidental. Cette série de 82 eaux-fortes et aquatintes, inspirée de la guerre d’Indépendance espagnole, rompt avec la tradition de la peinture d’histoire héroïque pour montrer la guerre dans sa brutalité quotidienne.
Goya y développe un langage visuel nouveau : compositions décentrées, contrastes dramatiques, légendes lapidaires (« Esto es peor » – « C’est pire »). L’intention est clairement anti-propagande, refusant toute glorification du conflit.
Los Caprichos (1797-1798) : première série majeure de 80 estampes satiriques visant les superstitions, l’ignorance et la corruption de la société espagnole. L’eau-forte 43, « El sueño de la razón produce monstruos » (« Le sommeil de la raison engendre des monstres »), en constitue l’image emblématique.
Les « Peintures noires » (1820–1823) : la face sombre de Goya
Les Peintures noires de Goya représentent l’aboutissement le plus radical de son art. Peintes directement sur les murs de sa maison de campagne, la Quinta del Sordo (la « Maison du Sourd »), entre 1820 et 1823, ces quatorze œuvres expriment une vision cauchemardesque du monde.
Transférées sur toile après la mort de l’artiste (vers 1874), elles sont aujourd’hui conservées au Museo del Prado à Madrid. Les plus célèbres incluent :
- Saturne dévorant son fils : allégorie terrifiante du pouvoir destructeur
- Le Sabbat des sorcières : vision hallucinatoire des superstitions populaires
- Le Chien : composition dépouillée d’une mélancolie absolue
Ces œuvres, jamais destinées au public, révèlent un Goya libéré de toute contrainte, explorant les territoires les plus sombres de la psyché humaine.
Tableau « Peintures noires » en un coup d’œil
Astuce : passez votre téléphone à l’horizontal pour voir tout le tableau.
| Titre | Années | Support origine | Statut actuel | Salle Prado |
|---|---|---|---|---|
| Saturne dévorant son fils | 1820-1823 | Mural (huile) | Toile | 67 |
| Le Sabbat des sorcières | 1820-1823 | Mural (huile) | Toile | 67 |
| Le Chien | 1820-1823 | Mural (huile) | Toile | 67 |
| Judith et Holopherne | 1820-1823 | Mural (huile) | Toile | 67 |
Clés de lecture : thèmes, style et héritage artistique
L’art de Goya le peintre se caractérise par plusieurs constantes thématiques : dénonciation de la violence, critique des superstitions, satire du pouvoir, exploration de la folie humaine. Son style évolue vers une liberté croissante : empâtements expressifs, clair-obscur dramatique, compositions audacieuses qui anticipent l’art moderne.
Techniques révolutionnaires : Goya maîtrise aussi bien la peinture à l’huile que les techniques de l’estampe (eau-forte, aquatinte, lithographie). Cette double compétence lui permet de toucher des publics différents et d’adapter son message au support.
Héritage artistique : son influence traverse les siècles, de Delacroix et Manet aux expressionnistes du XXe siècle. Précurseur du réalisme social, il ouvre la voie à un art engagé qui interroge son époque plutôt que de la flatter.
Où voir Goya aujourd’hui : musées & parcours pratique
Le Museo del Prado à Madrid conserve la plus importante collection d’œuvres de Goya au monde : plus de 150 peintures et 500 estampes, incluant l’intégralité des « Peintures noires », la série complète des « Désastres de la guerre » et les portraits royaux les plus célèbres.
Préparer sa visite : consultez www.museodelprado.es, section « Collection Goya » pour localiser les œuvres majeures dans les différentes salles (salles 32-39 et 64-67).
Tableau périodes & œuvres majeures
Astuce : passez votre téléphone à l’horizontal pour voir tout le tableau.
| Période | Œuvre | Date | Technique | Où voir | Pourquoi c’est clé |
|---|---|---|---|---|---|
| Jeunesse | Parasol | 1777 | Huile/toile | Prado | Maîtrise du rococo |
| Maturité | Maja nue | 1800 | Huile/toile | Prado | Révolution du nu |
| Guerre | 3 mai 1808 | 1814 | Huile/toile | Prado | Art engagé moderne |
| Exil intérieur | Saturne | 1820-23 | Mural/toile | Prado | Vision tragique |
Autres musées : le Louvre (Paris), la National Gallery (Londres) et le Metropolitan Museum (New York) possèdent également des œuvres significatives de l’artiste, permettant de découvrir différentes facettes de son génie créateur.
Goya demeure l’un des artistes les plus influents de l’histoire de l’art occidental, pont between l’art classique et la modernité, témoin impitoyable et visionnaire de son époque.
