Repères biographiques : de Stuttgart au Bauhaus (1888–1943)
Oskar Schlemmer naît le 4 septembre 1888 à Stuttgart dans une famille d’artisans. Après des études à l’École des arts décoratifs de Stuttgart, il découvre les avant-gardes européennes qui marquent profondément sa vision artistique. Sa formation initiale en peinture et sculpture évolue rapidement vers une approche pluridisciplinaire mêlant arts visuels, théâtre et design.
En 1920, Walter Gropius l’invite à rejoindre le Bauhaus de Weimar. Schlemmer oskar intègre d’abord l’atelier de sculpture avant de prendre la direction de l’atelier théâtral en 1923, devenant Master of Form. Cette nomination marque un tournant décisif dans sa carrière et dans l’histoire du théâtre expérimental.
Au Bauhaus, il développe ses théories sur le corps humain dans l’espace scénique. Son approche révolutionnaire consiste à géométriser le mouvement et à faire du costume un élément architectural qui dicte la gestuelle du danseur. Cette philosophie trouve son apogée dans le Triadic Ballet.
En 1929, confronté aux tensions politiques croissantes, oskar schlemmer quitte le Bauhaus. Il poursuit son travail artistique malgré les restrictions du régime nazi qui classe ses œuvres comme « art dégénéré ». Il meurt en 1943 à Baden-Baden, laissant un héritage artistique considérable.
Triadic Ballet : principes, structure et impact
Le oskar schlemmer ballet triadique représente l’aboutissement de ses recherches sur le mouvement scénique. Cette œuvre révolutionnaire repose sur des principes géométriques stricts appliqués au corps humain en mouvement.
La philosophie du Triadic Ballet s’articule autour de trois concepts fondamentaux. Le costume ne sert plus uniquement d’ornement mais devient un élément architectural qui transforme le corps en sculpture mobile. La géométrie dicte chaque mouvement, créant une esthétique mécanique et précise. Enfin, la scénographie épurée concentre l’attention sur la relation entre forme, couleur et mouvement.
L’œuvre se structure en trois actes distincts, chacun développant une ambiance chromatique et rythmique spécifique :
Acte | Couleur/Ambiance | Nb de danses | Exemples de figurines |
---|---|---|---|
I | Jaune/Joie | 4 danses | Figure métallique dorée, Spirale |
II | Rose/Émotion | 4 danses | Dame abstraite, Plongeur |
III | Noir/Mystique | 4 danses | Fil de fer, Disque noir |
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Les dix-huit oskar schlemmer costumes créent autant de personnages abstraits. Chaque « figurine » impose sa gestuelle propre : la Figure métallique contraint à des mouvements saccadés, tandis que la Spirale induit des rotations continues. Cette approche révolutionnaire influence durablement la danse contemporaine et le théâtre expérimental.
La première de 1922 à Stuttgart : ce qui s’est réellement joué
Le 30 septembre 1922, le rideau se lève au Landestheater de Stuttgart pour la première représentation du Triadisches Ballett. Cette soirée historique marque l’entrée de la danse dans la modernité.
Trois danseurs incarnent l’vision de Schlemmer : Albert Burger, Elsa Hötzel et l’artiste lui-même. Chacun endosse successivement les différents costumes-sculptures, transformant leurs corps en instruments géométriques. La performance dure environ une heure, chaque acte explorant une gamme émotionnelle et chromatique distincte.
La réception critique se révèle contrastée. Si certains saluent l’innovation radicale, d’autres dénoncent une déshumanisation de la danse. Cette polémique contribue paradoxalement au succès de l’œuvre, qui tourne dans plusieurs villes européennes au cours des années 1920.
Le ballet triadique oskar schlemmer établit un nouveau paradigme artistique. Il inspire les chorégraphes d’avant-garde et influence l’émergence de la danse-théâtre. Son impact dépasse le cadre scénique pour irriguer les arts visuels, l’architecture et le design.
Où voir des costumes et figurines aujourd’hui
La Staatsgalerie Stuttgart conserve la collection de référence avec sept figurines originales du Triadisches Ballett. Ces pièces uniques permettent de comprendre la matérialité des costumes-sculptures conçus par Schlemmer. Le musée présente régulièrement ces œuvres dans ses collections permanentes.
Le Bauhaus-Archiv de Berlin expose également des reconstitutions fidèles réalisées selon les plans originaux. Ces reproductions respectent scrupuleusement les matériaux et techniques employés dans les années 1920 : carton, métal, tissu et papier mâché.
Le Museum of Modern Art de New York possède plusieurs études préparatoires et photographies d’époque documentant les représentations historiques. Ces archives visuelles complètent la compréhension de l’œuvre scénique.
En France, le Centre Pompidou conserve des dessins et maquettes liés au projet. Ces documents révèlent le processus créatif minutieux de Schlemmer, depuis les premiers croquis jusqu’aux réalisations finales.
Bauhaus Stairway (1932) : lecture visuelle et localisation
La bauhaustreppe, peinte en 1932, synthétise l’esthétique développée par oskar schlemmer bauhaus durant ses années d’enseignement. Cette œuvre majeure transpose sur toile les recherches menées dans l’atelier théâtral.
L’escalier du Bauhaus de Dessau sert de décor à une chorégraphie picturale. Les figures humaines, réduites à leurs composantes géométriques essentielles, évoluent dans un espace architectural épuré. Chaque silhouette obéit aux mêmes principes de simplification formelle que les figurines du Triadic Ballet.
La composition révèle la maîtrise de Schlemmer dans l’art de l’espace scénique. Les corps se distribuent selon un rythme précis, créant un mouvement ascendant qui guide l’œil du spectateur. La palette chromatique réduite – blanc, gris, ocre – accentue la dimension sculpturale de la représentation.
Cette peinture emblématique se trouve aujourd’hui dans les collections du Museum of Modern Art de New York. L’œuvre illustre parfaitement la synthèse entre arts visuels et arts de la scène que Schlemmer développe au Bauhaus. Elle témoigne de sa capacité à transposer l’expérience théâtrale dans d’autres médiums artistiques.
Autres œuvres scéniques : Bauhaus dances, études de figurines et créations picturales
Au-delà du Triadic Ballet, Schlemmer développe un corpus théâtral diversifié. Les « Bauhaus dances » explorent différents aspects du mouvement géométrisé : Danse des bâtons, Danse métallique, Danse spatiale. Chacune approfondit une dimension spécifique de sa recherche chorégraphique.
Ses études de figurines révèlent un processus créatif méticuleux. Conservées dans plusieurs institutions, ces dessins préparatoires montrent l’évolution de chaque costume depuis l’esquisse initiale jusqu’à la réalisation finale. Le Bauhaus-Archiv de Berlin possède une collection particulièrement riche de ces documents.
La série « Groupe de quatorze » (1928-1930) transpose l’esthétique scénique dans la peinture de chevalet. Ces toiles présentent des figures anonymes évoluant dans des espaces géométriques. Le Musée national d’art moderne de Paris conserve plusieurs œuvres de cette période.
Ses gravures et lithographies diffusent largement ses recherches formelles. La série « Geste » (1922-1925) décline les mouvements du Triadic Ballet en images fixes. Ces œuvres graphiques, présentes dans de nombreuses collections publiques, documentent précisément l’univers visuel développé par l’artiste.
Ses peintures murales pour l’École folkwang d’Essen (1928) appliquent ses théories à l’architecture. Ces décors monumentaux, partiellement conservés, témoignent de sa volonté d’intégrer l’art dans l’espace social.
Héritage : pourquoi Schlemmer reste central dans l’art contemporain
L’influence d’oskar schlemmer dépasse largement le cadre de la danse expérimentale. Ses innovations irrigue l’ensemble des arts performatifs contemporains. Les chorégraphes actuels puisent régulièrement dans son vocabulaire gestuel pour créer des spectacles mêlant danse, théâtre et nouvelles technologies.
Le design contemporain s’inspire directement de ses recherches sur la relation forme-fonction. Les créateurs de mode citent fréquemment ses costumes-sculptures comme références pour développer des vêtements architecturaux. La haute couture et le prêt-à-porter d’avant-garde perpétuent son approche géométrique du vêtement.
L’art vidéo et les installations multimédia prolongent ses expérimentations sur le corps dans l’espace. Les artistes contemporains utilisent les technologies numériques pour actualiser ses théories sur le mouvement géométrisé et la transformation du corps par le costume.
L’architecture scénographique moderne s’appuie sur ses innovations spatiales. Les créateurs d’espaces spectaculaires étudient ses méthodes pour concevoir des lieux où l’architecture devient partie intégrante de la performance.
Son approche pédagogique influence encore l’enseignement artistique. De nombreuses écoles d’art et de théâtre intègrent ses exercices de mouvement dans leurs cursus, perpétuant sa méthode d’exploration du corps géométrisé.
Repères chronologiques : jalons d’une carrière révolutionnaire
1912 : Premiers concepts de danse géométrisée développés à Stuttgart, influences des avant-gardes européennes.
1920 : Intégration au Bauhaus de Weimar, début de sa collaboration avec Walter Gropius et l’équipe pédagogique.
1922 : Première historique du oskar schlemmer triadic ballet le 30 septembre au Landestheater de Stuttgart.
1923 : Nomination comme Master of Form de l’atelier théâtral du Bauhaus, développement des théories sur l’espace scénique.
1925 : Déménagement du Bauhaus à Dessau, période la plus prolifique de création scénique et picturale.
1929 : Départ du Bauhaus face aux pressions politiques, poursuite du travail artistique en indépendant.
1932 : Réalisation de bauhaus stairway oskar schlemmer, synthèse picturale de ses recherches scéniques.
1937 : Exposition « Art dégénéré » incluant ses œuvres, interdiction de création et d’exposition en Allemagne nazie.